Hier soir, les scénarios de science-fiction ont continué. Nous avons commandé notre pizza hebdomadaire comme à notre habitude. Quand la sonnette a retenti, nous avons ouvert la porte et découvert la pizza posée sur le sac de livraison, le livreur se tenant de l’autre côté de la rue. Le sac de livraison est désinfecté entre chaque livraison. Toutes les précautions sont prises. Ce matin, j’ai réceptionné un colis, le livreur avait masque et gants et m’a dispensé de signature. La vie essaie de continuer son cours de la manière la plus habituelle possible.

En tant que malade chronique, mon quotidien n’est pas trop boulversé. J’ai l’habitude d’être contrainte à rester chez moi, voir être alitée, durant une semaine parfois. C’est surtout sur la longueur de la quarantaine que ça va se jouer. Je ne manque pas d’imagination pour m’occuper. Lecture, couture, dessin, écriture, et surtout parcourir YouTube pendant des heures. Mais ce n’est pas le cas de certains de mes amis, qui ont leur rythme quotidien bien rodé « métro-boulot-dodo ». Nous sommes qu’au deuxième jour et ils éprouvent déjà des difficultés à ne pas perdre la boule. Il y a des personnes terrifiées à l’idée de se retrouver avec elles-mêmes, avec leurs pensées, elles voient enfin ce qu’ils se passent dans leur tête et elles n’y sont pas habituées. Sur les réseaux sociaux, parmi les groupes de malades chroniques, les railleries vont de bon entrain sur ce qu’on appelle dans le jargon, les personnes « valides ». Celles-ci se plaignent au bout de deux jours de ce qui est notre quotidien. En réalité, je pense que le problème est bien plus profond. Je crois que l’être humain est programmé pour être libre et que ne pas avoir le choix est très anxiogène pour lui. Je ne peux m’empêcher d’imaginer ce que ressentent les chinois, qui en sont à plus de cinquante jours de confinement. En Italie, les gens se « réunissent » sur leur balcon pour chanter ensemble et jouer de la musique. Chaque culture a sa propre stratégie. Pour l’instant, les français ont deux tendances : se plaindre sur les réseaux sociaux et diffuser des messages de bien-être et de soutien sur ces mêmes réseaux.

Ironie du sort, cela fait cinq ans que je possède une couronne dentaire et elle a décidé aujourd’hui, période de pandémie, pour se briser. Sachant que toutes les opérations non nécessaires dans les hôpitaux sont reportées, je vais prendre mon mal en patience.

Aujourd’hui, j’ai pris le soleil sur mon toit car je n’ai ni terrasse, ni jardin. J’entendais des enfants rire, de la musique diffusée au loin, et des conversations éparses. La pression a l’air d’être un peu retombée déjà. Les oiseaux chantent comme si de rien était, la vie continue. J’ai aussi appris qu’en fait il fallait une autorisation papier pour chaque déplacement en dehors du domicile, même pour promener son chien, sous peine d’une grosse amende. Les français ne sont pas disciplinés, les procédures sont appropriées. Lors de la promenade de mon chien justement, j’ai croisé plus de personnes qu’en temps ordinaires. Comme si tout le monde s’était donné le mot pour aller faire un footing ou ses courses (les deux activités principales autorisées à l’extérieur).

Petits faits divers : certaines personnes en profitent pour ne plus se laver les cheveux et faire une cure de sébum. Les voisins sont partis car l’une de leur mère est hospitalisée à cause du virus. Je ne peux plus passer l’aspirateur car mon compagnon est en conférence audio toute la journée. J’ai commencé un projet de couture. Je n’ai jamais autant avancé sur mes projets pros alors que mon organisation n’a pas été bouleversée. Je me lève une heure plus tôt depuis le confinement par peur de louper une information importante. Ma soeur a proposé à son voisin de faire ses courses. Cette même soeur nous a déjà envoyé 18 photos de ses chats. Hier soir, appel vidéo avec les soeurs et maman, de quoi rigoler et lâcher prise quelques instants.

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