Cinq heures du matin insomnie. Je ressens des sentiments très contradictoires. J’ai envie que les gens soient en bonne santé et que tout le monde se sente libre, mais d’une façon égoïste, je n’ai pas envie que les choses reviennent à la normale. Les gens n’ont jamais pris autant de nouvelles de leurs proches et d’une façon aussi sincère. J’ai peur que cela me manque. Surtout, je peux être avec mon chéri toute la journée même s’il est en télétravail, sa présence me fait du bien. Les introvertis se reconnaîtront, je n’ai plus aucun sentiment de culpabilité de ne pas sortir de chez moi, vu que là c’est contraint. C’est libérateur d’une certaine façon. Cela doit être tellement plus difficile pour les extravertis qui eux se ressourcent auprès des autres, encore plus s’ils sont tous seuls chez eux. Je n’ai pas envie que l’être humain reprenne son activité folle sans se poser plus de questions. Qu’il reprenne sa destruction de la planète sans réfléchir à ce qu’il pourrait changer. Qu’il reprenne sa routine individualiste en oubliant cette expérience d’unicité qu’il a pu paradoxalement ressentir. J’ai peur qu’il ne retienne pas sa leçon. Julien dit lui que si le confinement dure au moins un mois, les gens se souviendront et que cela aura forcément changé un petit quelque chose. Je suis plus sceptique, car le temps balaie tout, et le vent emporte les poussières. Bref, je ne suis pas prête à laisser partir ce sentiment de cohésion. Néanmoins, je continue de prier tous les jours pour la libération de la souffrances de tous les êtres. Je n’imagine même pas être à l’hôpital, seule, terrifiée. Cela doit être une épreuve vraiment très impressionnante et anxiogène. J’envoie des pensées réconfortantes à toutes ces personnes isolées sur leur lit d’hôpital. Ce soir, une grande prière est organisée en ligne dans la tradition bouddhiste dans laquelle je suis pour que toutes ces souffrances cessent.
Premier week-end de confinement, on appelle nos amis qui sont seuls chez eux pour prendre des nouvelles. On leur propose des parties de jeux vidéos en ligne, et des « apéros-vidéos ». On envoie des messages aux amis un peu plus éloignés. La ville elle, est toute silencieuse…
Petits kiffs de la journée : entendre du piano par la fenêtre en promenant le chien, prendre le brunch sur le toit, le premier coup de soleil de Julien alors qu’on est confinement, avoir mon père au téléphone pendant plus de cinq minutes.