Normalement quand les bordelais désertent les rues de la ville, la laissant silencieuse comme jamais, un dimanche de fin mars très ensoleillé avec dix-neufs degrés, c’est pour aller à la plage. Les premiers beaux jours nous font honneur de leur présence mais difficile d’en profiter avec la menace du virus. Après une semaine de confinement, c’est le moment de faire le bilan !
Je n’arrive plus à dormir depuis le premier jour, je me réveille de plus en plus tôt. Il est sept heures trente un dimanche matin et j’ai les yeux grands ouverts dans mon lit. Stress et manque de sommeil, ma maladie chronique s’enflamme. C’est le cas de le dire et mon corps me joue des tours.
Je ne me suis pas ennuyée cette semaine. On continue de travailler la journée, le soir on papote ou on regarde un film. Hier, Julien a passé la journée au téléphone avec ses amis tandis que je cherchais désespérément une console en stock sur internet. On a prévu de faire du tri dans nos affaires et du rangement. J’aimerai construire un parcours d’agilité avec des vieux cartons pour mon chien afin de le sortir encore moins longtemps car je suis très inquiète suite à la lecture d’un article sur le fait que les gouttelettes du virus pourraient rester dans l’air trois heures. Rien n’a été vraiment prouvé mais on ne sait jamais !
Pour le travail, la boîte de mon compagnon fonctionne très bien à distance et les performances restent les mêmes. Pour notre propre agence web, il va relancer les clients afin de me donner du travail cette semaine et que je sois ainsi bien occupée. Mettons tout ce temps à profit pour être productif !
Il nous reste au moins un paquet de rouleaux de papier toilette et plein de légumes. Par contre on est déjà à cours de gâteaux et c’est plutôt difficile. Ici à la maison, on a tendance à évacuer le stress en mangeant du sucre. On va vraiment devoir trouver une solution pour se faire livrer !
Au niveau des symptômes, on tousse tous les deux et on a le nez pris mais on a pas de fièvre. On a tous les deux toujours eu des douleurs musculaires et articulaires donc c’est difficile à dire. J’ai des douleurs thoraciques depuis trois jours mais je pense que c’est le stress. Ma maladie chronique fait que je suis souvent essoufflée. Je pense que si jamais j’ai le virus, je vais avoir du mal à faire le tri dans mes symptômes alors je me vais devoir me fier uniquement à la fièvre.
On ne s’est pas plus disputé que d’habitude, d’ailleurs il n’y a eu aucune réelle dispute juste des petits moments de tension notamment sur l’organisation dans la maison ou sur le fait que Julien n’arrête pas de rigoler en disant qu’il va mourrir et qu’il a le virus juste parce qu’il tousse et je n’ai pas envie de rigoler sur ça.
La chose qui me manque le plus pour l’instant, c’est la nature. Normalement le week-end, on est soit à la réserve, soit dans la forêt. Cela me manque d’enlacer un arbre, de sentir une fleur, ou de caresser l’herbe. Ça me manque l’odeur des plantes, leurs textures, leurs couleurs. Les gens qui ont un jardin ont beaucoup de chance. J’ai même prétexter dépoussiérer l’une des plantes que j’ai à la maison pour être en contact un peu avec elle. Mais ce n’était vraiment pas la même expérience qu’être entourée de nature.
Les gens ne respectent pas le confinement ce qui a le don de m’agacer au plus haut point. Quand je promène mon chien je vois du monde qui se ballade parfois même à deux ,sans sac de course, sans chien, et sans tenue de sport. Alors pourquoi pas, ils ont envie de s’aérer l’esprit, c’est compréhensible, mais s’il vous plaît, respectez le mètre de sécurité bon sang !! Pensez aux personnes que vous croisez, elles sont peut-être à risques ! Et puis ça a été largement annoncé que le virus pouvait se déclarer sous une forme grave même chez les jeunes en pleine santé. Personne n’est à l’abri. J’ai vu l’interview d’une infirmière dans l’Est qui a bel et bien confirmé qu’ils ne pouvaient pas faire tous les soins à tout le monde et qu’ils devaient faire des choix. Et c’est logique que ces choix se portent sur les personnes qui ont le plus de chance de se rétablir (je n’ai aucune chance). Encore une pensée au corps médical, ça doit être tellement dur de travailler dans ces conditions. De regarder un patient dans les yeux tout en sachant qu’on ne peut pas faire tout le possible pour lui. Comment vont-ils en ressortir psychologiquement de cette crise ?
Je n’ai vraiment pas fait autant de sport que je le voudrais et j’ai explosé mon temps d’écran habituel. Il faut que je m’organise une journée sans écran. Je n’ai pas autant lu que ce que je m’étais imaginé. Besoin de reposer mes yeux et mon cerveau.
Ce midi, on a fait notre premier repas de famille vidéo. On était censé fêter l’anniversaire de ma petite soeur. Apparement la poste ne fonctionnerait plus vraiment, et on ne peut même pas lui envoyer ses cadeaux. On parlait déjà de faire une grande fête à la fin de tout ça pour célébrer nos retrouvailles et la fin de cette période étrange.
Bilan : je n’ai plus autant l’impression d’être dans une science-fiction. L’extraordinaire est devenu une réalité. L’inédit est devenu un quotidien. Le virus a rejoint une normalité.
Faits divers : Nos voisins belges sont maintenant aussi en confinement. Les français se parlent déjà par balcons interposés pour briser la solitude. Je songe à me lancer un défi yoga/danse tous les jours pour ne pas ressortir obèse du confinement. Je pense finir les cinq dernières saisons de Friends que je n’ai pas encore regarder d’ici la fin du mois. Je prie tous les jours pour que les stocks de consoles soient réapprovisionnés. Je bénis ma tendance à acheter plein de livres avant de finir ceux en cours et donc ma bibliothèque plutôt bien fournie. Mon chat ressent mon stress et perd beaucoup de poils.